Le numérique, pratique la moins prioritaire dans les établissements
Dans une étude récente, la DEPP fait le point sur le numérique éducatif et souligne que les usages numériques sont globalement loin d’être une priorité pédagogique.
Dans une étude récente, Le numérique éducatif : que nous apprennent les données de la DEPP ?, la division des études du ministère de l’éducation nationale (DEPP) souligne que si l’équipement numérique en classe progresse, les usages numériques sont quant à eux la dernière roue du carrosse pédagogique.
Le numérique prend une place de plus en plus importante pour les établissements qui sont de plus en plus dotés (ordinateurs mais aussi tablettes, tableaux numériques interactifs, rétroprojecteurs, etc.). Le nombre de tableaux numériques interactifs est par exemple passé de 2 pour 1000 élèves dans les écoles élémentaires en 2009, à 17 pour 1000 élèves en 2019. Dans les collèges, il est passé de 3 pour 1000 élèves à 17,7 pour 1000 élèves au cours de la même période.
Des chiffres qui seront probablement renforcés par les plans comme le SNEE et les TNE.
Si les enseignants français sont très nombreux à utiliser fréquemment les outils numériques pour préparer leurs cours (94 % pour le premier degré et 88 % pour le second degré), ils sont moins nombreux à les utiliser pour guider les séances en classe (respectivement, 50 % et 70 %). Ils le sont encore moins à laisser les élèves utiliser les TIC pour des projets ou travaux en classe (respectivement, 14 % et 36 %). Cela les place en queue de peloton par rapport à d’autres pays de l’OCDE.
Une enquête sur échantillon représentatif conçue par la DEPP s’intéresse spécifiquement aux pratiques pédagogiques mises en place dans l’enseignement des mathématiques. Cette étude montre qu’en 2019, l’outil numérique le plus utilisé par les collégiens de 3e en mathématiques est la calculatrice : 56 % des enseignants déclarent faire « très souvent » travailler leurs élèves avec une calculatrice. En comparaison, seuls 3 à 5 % d’entre eux utilisent « très souvent » un logiciel de géométrie dynamique, un tableur, ou même une banque d’exercice en ligne.
Dans les données EPODE (Enquête Périodique sur l’Enseignement), autre enquête de la DEPP, on observe en effet que l’utilisation pédagogique du numérique est considérée comme la pratique la moins prioritaire et la moins faisable par les professeurs de collège. Elle se distingue également comme la pratique pédagogique la moins répandue. La même tendance est d’ailleurs documentée dans le premier degré, où l’utilisation du numérique par les enseignants est encore plus faible qu’au collège.
Ces observations font écho aux résultats de la littérature académique. Selon celle-ci, le numérique se révélerait plus efficace en tant que complément à l’enseignement traditionnel plutôt que comme substitut. De son côté, la formation des enseignants est essentielle et doit aller au-delà d’une formation technique à l’utilisation des outils numériques.
En effet, plusieurs études, comme celle de Balanskat, Blamire et Kefala (2006), par exemple, insistent sur le fait que les TIC sont d’autant plus efficaces pour améliorer les performances des élèves qu’elles sont exploitées à des fins pédagogiques et non comme simple support pour moderniser l’enseignement.
Les limites évoquées en matière de formation peuvent expliquer que les pratiques pédagogiques utilisant le numérique pour l’apprentissage soient peu développées. L’étude de DEPP s’intéresse à la corrélation existant entre le contenu des formations suivies et le sentiment d’efficacité en ce qui concerne l’intégration pédagogique du numérique. Les conclusions montrent que, dans le premier comme dans le second degré, les enseignants qui ont suivi une formation continue abordant les TICE sont significativement plus nombreux à exprimer une grande capacité à encourager l’apprentissage des élèves à travers le numérique que ceux qui n’en ont pas suivi.
La DEPP a également été associée au suivi du dispositif « Collèges connectés », mis en place à partir de la rentrée 2013, dont l’objectif était d’identifier les conditions de succès d’un développement pertinent et massif des usages pédagogiques du numérique éducatif. Au niveau national, 72 collèges ont été sélectionnés pour bénéficier d’investissements spécifiques et d’un accompagnement.
Sur cet échantillon, il en ressort que l’intégration du numérique dans les enseignements et la vie scolaire semble très liée à l’équipement effectif des collèges, à l’action du chef d’établissement, à l’accompagnement dont les enseignants bénéficient, ainsi qu’aux représentations qu’ils ont du numérique en général et de son utilisation pour leur métier.
L’utilisation régulière des outils numériques en classe par les élèves va de pair avec une mise en œuvre plus fréquente de pratiques pédagogiques « actives », mettant en avant des activités d’expérimentation, promouvant le travail de groupe ou la différenciation. À l’inverse, lorsque l’enseignant est le seul à utiliser les outils numériques en classe, les méthodes d’enseignement semblent plus relever de pédagogies traditionnelles.
Du côté des compétences des élèves, en fin de 5e, on observe un effet positif des appareils et des ressources numériques sur les résultats, notamment en compréhension orale du français. En fin de 4e, les résultats des élèves qui ont accès à des appareils mobiles connaissent également une évolution positive en compréhension écrite du français et en mathématiques par rapport aux élèves non équipés.